Dans un contexte où le télétravail a explosé ces dernières années, on aurait pu penser que les interactions en visioconférence et les outils collaboratifs suffiraient à créer une dynamique d’équipe efficace. Pourtant, une récente expérience vécue au sein d’Allianz Technology m’a démontré, une fois encore, la puissance et la nécessité des rencontres physiques, notamment dans des projets complexes de transformation.
Le Contexte : Un Transfert Offshore Complet
Mon client a pris la décision de transférer toute notre équipe d’architecture solution en offshore au Maroc. Il s’agit d’un domaine où la connaissance du Système d’Information (SI) est cruciale et particulièrement longue à acquérir. Comprendre les processus, les spécificités métiers et les subtilités d’un SI construit au fil des années est un défi de taille, et ce changement s’est avéré rapidement beaucoup plus complexe que prévu.
Les nouveaux arrivants, bien que compétents, n’avaient pas les clés nécessaires pour s’approprier leur environnement. Le transfert de connaissances était lent et laborieux, et la gestion du changement, pourtant essentielle, avait été négligée. Le résultat ? Des tensions, des incompréhensions et une méfiance croissante entre les équipes historiques et les nouveaux collaborateurs marocains.
La Réaction Naturelle : Le Biais de la Distance
À distance, le réflexe humain est souvent de chercher des coupables. On a rapidement pointé du doigt les équipes marocaines, considérées comme inefficaces ou non impliquées. Mais en y regardant de plus près, il ne s’agissait pas d’un manque de compétences ou d’engagement, mais bien d’un déficit de contexte et d’une absence de connexion humaine.
Derrière nos écrans, ces collaborateurs restaient des « ressources » anonymes, des noms sur des tickets JIRA ou des visages pixélisés en visioconférence. Le lien humain, si important dans toute relation professionnelle, manquait cruellement.
Le Déclic : une rencontre en vrai à Casablanca
Face à cette impasse, nous avons pris une décision qui allait changer la donne : aller rencontrer ces équipes en personne à Casablanca. Dès les premiers échanges « en vrai », la dynamique s'est métamorphosée. Ces « ressources » sont devenues des personnes à part entière, avec leurs histoires, leurs défis et leur motivation sincère à réussir.
Nous avons découvert des collaborateurs engagés, frustrés de ne pas pouvoir donner le meilleur d'eux-mêmes faute d'informations et de soutien. Cette rencontre a non seulement permis de lever les malentendus, mais a aussi insufflé une nouvelle énergie dans l'équipe. En créant des liens personnels et en partageant des moments informels, nous avons ravivé leur motivation et leur engagement. Cette dynamique positive a transformé notre façon de travailler : les tensions se sont apaisées, la collaboration s'est fluidifiée et la montée en compétences s'est enfin enclenchée.
Le Télétravail : une solution pas toujours adaptée
Cette expérience soulève une question plus large sur la place du télétravail dans les entreprises. Contrairement à ce que l’on pouvait croire à la sortie des confinements du CoVID, le télétravail ne s’est pas imposé comme un standard universel dans l’IT. Au contraire, de plus en plus d’entreprises reviennent en arrière, réduisant, voire supprimant, cette pratique.
Pourquoi ? Parce que si certains sont plus efficaces en télétravail, d’autres peinent à s’y adapter. Beaucoup n’ont jamais réussi à se créer un cadre de travail structuré, faute d’avoir adopté une routine efficace. Sans horaires fixes, sans rituels et sans distinction claire entre vie pro et perso, leur productivité s’est effondrée. Résultat : la confiance des entreprises envers le télétravail a été érodée.
L’un des principes fondateurs des méthodes agiles est la discipline et la rigueur dans l’organisation du travail. Or, sans routine bien définie, le télétravail devient un piège pour ceux qui ont du mal à s’auto-discipliner. Ce n’est pas un hasard si certaines entreprises font désormais marche arrière et encouragent un retour progressif au bureau.
Le parallèle avec le commerce : la disparition progressive du déjeuner d’affaires
Cette expérience m’a fait réaliser à quel point la dynamique est la même dans le monde commercial. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes commerciaux pensent que tout se joue sur LinkedIn, en visio ou par email. Ils oublient une chose essentielle : les affaires se concluent en face-à-face.
Tous les gros deals que j’ai pu signer dans ma carrière, je les ai faits… au restaurant. Pas dans un call Teams, pas sur un fil Slack, pas par une présentation PowerPoint froide et distante. Non, ces contrats se sont scellés autour d’un bon repas, d’une discussion détendue et d’un moment partagé où la confiance s’est installée.
Pourquoi ? Parce que les fournisseurs qui ont eu ces deals étaient là, au bon moment, en face de moi, avec une solution à m’apporter. Ce n’étaient pas seulement des prestataires : c’étaient des personnes que j’avais rencontrées, avec qui j’avais échangé de manière informelle et qui avaient su capter mes besoins avant même que je les exprime complètement. Et de ce fait ce sont devenus des partenaires.
Pourquoi le télétravail et la digitalisation ne suffisent pas
Ces deux expériences, en IT et en commerce, montrent une réalité simple : la technologie ne remplace pas les interactions humaines.
- Dans les équipes IT, elle ne suffit pas à construire une relation de confiance, à transférer efficacement des connaissances complexes ou à lever des incompréhensions culturelles.
- Dans le commerce, elle ne remplace pas un déjeuner où l’on apprend à connaître son interlocuteur, où l’on crée du lien, où l’on saisit l’opportunité qui se présente à l’instant T.
D’ailleurs, on assiste aujourd’hui à un retour en arrière dans certaines entreprises qui réduisent, voire suppriment, le télétravail. Pourquoi ? Parce que beaucoup de collaborateurs n’ont jamais su s’adapter à ce mode de travail.
Travailler à distance demande une rigueur et une discipline que tout le monde n’a pas. Certaines personnes, faute d’avoir adopté une routine et un cadre structuré, ont vu leur productivité s’effondrer. L’absence de repères clairs et d’interactions humaines a tué leur engagement, et par extension, la confiance des entreprises dans ce modèle.
Le parallèle avec les méthodes agiles
Cette expérience résonne fortement avec les principes des méthodes agiles, qui prônent les interactions humaines et la communication directe comme piliers de la réussite. Dans le Manifeste Agile, il est clairement indiqué que « Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils ».
Le télétravail et la digitalisation peuvent être des facilitateurs, mais ils ne doivent jamais devenir des substituts aux rencontres physiques.
Ce que J’ai Retenu de Ces Expériences
- Les rencontres physiques restent irremplaçables : elles sont un levier puissant pour débloquer des situations complexes, créer une vraie cohésion d’équipe et conclure des affaires.
- Le jugement à distance est souvent biaisé : on est plus critique envers quelqu’un que l’on ne connaît qu’à travers un écran.
- Le télétravail ne fonctionne pas pour tout le monde : sans routine bien définie, certains peinent à être productifs, ce qui fragilise l’adoption de ce mode de travail.
- Les affaires se concluent en face-à-face : les jeunes commerciaux doivent comprendre que l’humain reste au cœur du business et qu’un déjeuner peut valoir mille emails.
- Les outils digitaux ne remplacent pas le contact humain : ils l’accompagnent, mais ne le substituent pas.
En conclusion
Dans un monde où le télétravail et la digitalisation sont omniprésents, cette expérience m’a rappelé une vérité fondamentale : rien ne remplace le contact humain.
Que ce soit dans la gestion d’un projet offshore ou dans la signature d’un deal commercial, les relations professionnelles se construisent dans les moments partagés en vrai.
Les méthodes agiles et les pratiques commerciales les plus efficaces reposent toutes sur un principe simple : la qualité des interactions humaines. Et parfois, il suffit d’un voyage à Casablanca ou d’un déjeuner avec un client pour transformer une situation bloquée en succès collectif.